AFFAIRE

affaire, nom féminin. Plurel : affaires. [Étymologie : Composé de à et faire. Identité étymologique avec l’italien affare et l’anglais affair.]

Dérivés : Affairé, affairisme, affairiste.

1. Ce que l'on a à faire.

Identité sémantique-étymologique avec l’italien affare et l’anglais affair.

J’ai affaire en ville ce soir.

Alfred de Musset (Les Caprices de Marianne, 1833)

La véritable affaire est de souper.

Alfred de Musset (Les Caprices de Marianne, 1833)

Vous aviez alors une affaire au divan, et vous fîtes, avant que de vous y rendre, un tour à la ménagerie.

Denis Diderot (Les Bijoux Indiscrets, 1748)

Mais rien ne m'a tant amusé qu'une entreprise que j'exécutai dans une province éloignée de la capitale, où mon régiment était en quartier : je partis de Banza pour en faire la revue ; c'était la seule affaire qui m'éloignait de la ville.

Denis Diderot (Les Bijoux Indiscrets, 1748)

Ah! prince, s'écria Mirzoza, c'est affaire à vous de rêver.

Denis Diderot (Les Bijoux Indiscrets, 1748)

Je remontrerais à votre sénéchal, en toute humilité, que le choix des savants préposés à la révision des manuscrits est une affaire très délicate.

Denis Diderot (Les Bijoux Indiscrets, 1748)

Au bout de deux mois, étant obligé d’aller à Lisbonne pour les affaires de son commerce, il mena dans son vaisseau ses deux disciples.

Candide (Voltaire)

[...] leur grande affaire était d'imprimer des sonnets sur de petits mouchoirs de taffetas rose quand arrivait le mariage d'une jeune fille appartenant à quelque famille noble ou riche.

Stendhal (La Chartreuse de Parme)

N'avoir pas d'affaire : Être désoccupé.

Aussitôt madame Servigné s'écria : « Mais, ma nièce, nous irons tous! ... »

— Non pas moi, dit Charles avec un embarras visible, car j'ai précisément affaire à cette heure-ci.

H. DE BALZAC (Annette et le criminel, 1824)

... la politique! C'était son affaire, après tout.

E. DABIT, L'Hôtel du Nord, 1929

Cliton n'a jamais eu, toute sa vie, que deux affaires, qui est de dîner le matin et de souper le soir.

Jean de La Bruyère (les Caractères de Théophraste, 1775)

En considérant monsieur de Lœwenstein, je ne pouvais concevoir qu'il allait acquérir sur moi un empire, en quelque sorte absolu; que ce ne serait plus de mon père, de ma mère, dont la domination est si douce, que je dépendrais; que tout cela serait l'affaire d'une minute, qu'il n'y aurait qu'un mot à prononcer, et que ce mot ferait le destin de ma vie.

G. DE SÉNAC DE MEILHAN, L'Émigré, 1797 TLF

Être à son affair : être occupé à qqch.

Il semblait n'être pas à son affaire tant qu'il n'avait pas trouvé un prétexte pour rire.

H. DE MONTHERLANT (Les Jeunes filles, 1936) TLF

(En manière de prosopopée)

Comme l'affaire de la comédie est de représenter en général tous les défauts des hommes (…)

Molière (l'Impromptu de Versailles )

Avoir affaire à quelqu'un ; avoir affaire avec qqn (Idiotismes qui appartiennent soit à cette acception soit à la suivant) : avoir à traiter une affaire avec lui ; avoir à lui parler, avoir à traiter avec qqn lorsque l’on a une affaire.

Avoir affaire à qqch : y avoir rapport lorsque l’on a une affaire.

Il est bien plus aisé de se battre en Basse-Bretagne contre des Anglais, que de rencontrer à Versailles les gens à qui on a affaire.

Voltaire (L’ingenu)

Argyropoulos comprit qu’il n’avait pas affaire à des dupes faciles.

Théophile Gautier (Le Roman de la Momie, 1857)

Zadig ne savait encore s’il avait affaire au plus fou ou au plus sage de tous les hommes.

Voltaire (Zadig)

[...] ils ont affaire à presque autant de voyageurs qu'il y a d'heures dans la journée.

Guy de Maupassant (Boule de Suif)

Nul ne se pourroit dire asseuré, ayant affaire avec un prince infiniement diversifié [inconstant].

PASQUIER - Lettres. (Littré)

Il avait une si drôle de mine en maniant ce grand sabre droit de grosse cavalerie, beaucoup trop lourd pour lui, que les hussards virent bientôt à qui ils avaient affaire; ils cherchèrent alors, non pas à le blesser, mais à lui couper son habit sur le corps.

Stendhal (La Chartreuse de Parme)

La duchesse avait encore des façons si extraordinaires que le maître d'une auberge de village, où l'on dîna, crut avoir affaire à une princesse du sang impérial, et allait lui faire rendre les honneurs qu'il croyait lui être dus [...].

Stendhal (La Chartreuse de Parme)

Aussi ai-je affaire continuellement à ces petites taquineries de la médiocrité qui sont énervantes. Il faut que nous soyons riches.

J. RIVIÈRE, ALAIN-FOURNIER (Correspondance, lettre de J. R. à A.-F., nov. 1906)

C'était le capitaine de Hauteclocque. Il arrivait de France, par l'Espagne [...]. Il vint se présenter à moi qui, voyant à qui j'avais affaire, réglai sa destination sur-le-champ.

Ch. DE GAULLE (Mémoires de guerre, L'Appel, 1954)

Vous aurez affaire à moi (À manière de menace)

Et quiconque rira de lui aura affaire à moi.

Molière (Monsieur de Pourceaugnac)

2. Quelque chose incombant à quelqu’un ; quelque chose qui concerne quelqu’un ou qui lui intéresse, même si c’est n’est pas una action à faire.

Identité sémantique-étymologique avec l’italien affare et l’anglais affair.

[Le comte] était très-adonné à ses plaisirs, et en faisait sa seule affaire.

P. DE BARANTE (Hist. des ducs de Bourgogne)

[Les blondes] ne sont guère mon affaire. Mais, celle-ci, je suis curieux de la voir au lit.

É. ZOLA (Fécondité, 1899)

Mais le langage est notre affaire à tous, quel que soit notre état.

G. Duhamel (Discours aux nuages)

(…) le reste ne nous regarde point, c'est l'affaire des autres.

Jean de La Bruyère (Les Caractères de Théophraste, 1775.)

3. (Dans quelques contexts. On peut supposer le devenir de cette acception ainsi :premièrement, affaire difficile ; puis, chose ennuyeuse.) Quelque chose d’ennuyeuse ou préoccupant ; difficulté, embarras.

Donnez cet argent-là à cet homme-ci, vous voilà hors d'affaire.

Molière (les Fourberies de Scapin)

Et conter pour conter me semble peu d'affaire.

Jean de La FONTAINE (Fab.)

On faisait une grande affaire de rien.

Sévigné

Il faudrait bien des affaires pour leur faire entendre [aux Tartares] ce que c'est qu'un financier parmi nous.

MONTESQ. (Esp.) Littré

S'il ne tient qu'à cela pour être votre gendre, je me ferai médecin, apothicaire même, si vous voulez. Ce n'est pas une affaire que cela.

Molière. (le Malade imaginaire)

... eh monsieur si c'est une affaire que vous me cherchez ayez donc l'obligeance de prendre mon livret militaire dans ma poche gauche.

G. APOLLINAIRE (Les Mamelles de Tirésias, 1918)

C'est une affaire : la chose est difficile.

Ce n'est pas une affaire : la chose n'est pas difficile.

4. Affaires (Au pluriel) Actions personnelles ; occupations ; faits humains.

Identité sémantique-étymologique avec l’italien affare et l’anglais affair.

[Argent] ce qui est le premier mobile des affaires de ce monde.

L’ingenu (Voltaire)

Elle entre avec l'air imposant d'une personne de cour qui a de grandes affaires.

L’ingenu (Voltaire)

a (Spécialement) Occupations profesionnelles ou commerciales propres aux adultes.

Les gens d'affaires ; agences, cabinets, agent d'affaires ; homme d'affaires; femme d'affaires.

Voyage d'affaires; repas d'affaires : voyage, repas faits à l'occasion des affaires.

Être en affaires : être en train de faire des affaires, dans une négociation.

— Enfin, te voilà !

— Chavarot… tu es venu ce matin… Excuse-moi… j'étais en affaires…

E. Labiche (les Petites Mains)

Nous sommes mal, monsieur, dans nos affaires.

Molière (Mis.) Littré.

Le chiffre d'affaires réalisées.

Zola (Au Bonheur des Dames)

J'espère, ma chère mère, que nos affaires seront en assez bon état, malgré tous les malheurs, pour que je puisse, mes travaux aidant, te continuer (…) la petite pension que je te fais actuellement.

Balzac, Lettre du 26 oct. 1848

Je sais bien, mon cher Florent, reprit Lisa, que vous n'êtes pas revenu pour nous réclamer ce qui vous appartient. Seulement, les affaires sont les affaires; il vaut mieux en finir tout de suite… les économies de votre oncle se montaient à quatre-vingt-cinq mille francs. J'ai donc porté à votre compte quarante-deux mille cinq cents francs. Les voici.

Émile Zola (le Ventre de Paris)

[M. Jeannot] avait acquis assez rapidement des biens immenses dans les affaires.

Jeannot et Colin (Voltaire)

Faire des affaires : faire des profits.

D'abord, avec un capital de cinq cent mille francs, je faisais deux millions d'affaires.

Zola (Au Bonheur des Dames, 1883)

Il faisait quinze cent mille francs d'affaires chaque année.

Zola (Au Bonheur des Dames, 1883)

b Occupations publiques ; actions officielles qui concernent un pays ou les pays.

Identité sémantique-étymologique avec l’anglais affair.

Les Affaires Étrangères sont tous les intérêts possibles qu'un Souverain, une République, ou autre Corps politique quelconque peut avoir à traiter ou à discuter avec les autres Puissances de l'Univers.

Robinet (Dict. Universel)

Je présume qu’en général ceux qui se mêlent des affaires publiques périssent quelquefois misérablement.

Voltaire (Candide)

[M. le duc de Rauzan] nommé directeur des affaires politiques.

F.-R. DE CHATEAUBRIAND (Mémoires d'Outre-Tombe, 1848)

(En France). Ministère des Affaires étrangères. (Au Québec). Ministère des Affaires intergouvernementales.

Quant à nos alliés, à Djibouti comme en Syrie, ils ont, au moins localement, des arrière-pensées et désirent toutes les combinaisons qui les introduiraient dans les affaires françaises.

Ch. DE GAULLE (Mémoires de guerre, L'Appel, 1954)

Les affaires étrangères [afErzetrãZEr].

5. (Dans cette acception, affair n’est pas seulement quelque chose à faire, il est vaguement cas, chose.)

Identité sémantique-étymologique avec l’italien affare et l’anglais affair.

L'amour est avec elle une affaire d'argent.

Guillaume Apollinaire (Les Trois Don Juan)

Tout ce que je crains, c’est que ces dames ne nous fassent quelque méchante affaire.

Voltaire (Candide)

6. Transaction commerciale ; commerce ; marché ; marché conclu ou à conclure avec qqn.

Espagnol negocio

Faire affaire avec qqn.

Toute affaire que l'on me propose est mauvaise, car si elle était bonne, on ne me la proposerait pas.

A. Maurois, Bernard Quesnay Le Grand Robert.

Ils se tapèrent dans la main, crachèrent de côté pour indiquer que l'affaire était faite.

Maupassant (Clair de Lune)

Figurativement :

Si elle le peut épouser, elle fera une très bonne affaire.

Sévigné.

7. Entreprise commerciale.

Administrer, conduire, gérer une affaire.

Mais, mon cher ami, si je ne m'intéressais pas à vous, je ne vous aurais pas confié la direction d'une affaire aussi importante.

M. Pagnol (Topaze)

8. Procès ; litige.

Identité sémantique-étymologique avec l’italien affare.

Suivre une affaire ; une affaire civile ; une affaire criminelle ; plaider une affaire ; un affaire contentieuse ; affaire commerciale ; gagner, perdre une affaire.

... l'agression a eu lieu tout près d'un bec de gaz. On interroge le gendarme qui a aidé à instruire l'affaire; on interroge d'autres témoins : l'un place le bec de gaz à cinq mètres; l'autre à vingt-cinq. Un dernier va jusqu'à soutenir qu'il n'y a pas de bec de gaz du tout à cette partie de la rue.

A. GIDE (Souvenirs de la Cour d'assises, 1913)

Quand il jugeait une affaire, ce n’était pas lui qui jugeait, c’était la loi.

Voltaire (Zadig)

Il me restait six onces d’or : il fallut en donner deux onces à l’homme de loi que je consultai, deux au procureur qui entreprit mon affaire, deux au secrétaire du premier juge.

Voltaire (Zadig)

9. (Obsolète) Action de guerre, combat.

10. Relation hétérosexuelle intime et parfois clandestine.

« Eh quoi! lui dit-elle, ne savez-vous pas que je suis en affaire avec M?

CHAMFORT (Caractères et Anecdotes, 1794)

11. (Abus sémantique) Affaire s’assimile vaguement à « objet » gén. au pluriel : objet d'un usage habituel ; objets dont l'identité ou le nom précis n'est pas connu ou l’on ne veut pas le nommer.

... dans le placard on ne voyait plus rien de toutes les affaires de Virginie!

G. FLAUBERT (Trois contes, Un Cœur simple, 1877)

Il [le révolver] a deux crans de sûreté, six coups, une baguette, un tas d'affaires.

COLETTE (Claudine s'en va, 1903)

(…) il considérait avidement toutes ces affaires de femme étalées autour de lui : les jupons de basin, les fichus, les collerettes, et les pantalons à coulisse (…)

Flaubert (Mme Bovary)

12. (Euphémisme. Au pluriel.) Menstruation.

13. (Euphémisme. Au pluriel.) Ce qui concerne l’excrétion (urine, défécation).

Faire ses affaires.

14. (Euphémisme.) État de grossesse.

Elle [une fille] marchait avec peine, poussant devant elle un ventre énorme de femme enceinte... [M. GOURD] — ... on ne s'introduit pas chez les gens, avec une affaire pareille cachée sous la peau.

É. ZOLA (Pot-Bouille, 1882)

15. (Ambigument) Chose qui convient ; ce qu'il faut, ce qui convient.

Spécialement dans les phrases composées avec Faire :

Le chaud fera mon affaire [me fera du bien].

Sévigné. Dict. Littré.

Avoir son affaire : avoir ce qui convient. Dict. Littré.

16. (Dans un contexte ambigu et populair) Faire son affaire à quelqu'un : Lui infliger un châtiment. Avoir son affaire : avoir châtiment.

Son affaire est faite : il a été châtié, puni, tué. Dict. Littré.

Vouliez ou non, elle aura son affaire.

La Fontaine (Rém.) Dict. Littré.

Le chat fut trois jours sans manger et sans pouvoir remuer ni pied ni patte ; mais il est bien heureux qu'il n'y a point de chats médecins ; car ses affaires étaient faites, et ils n'auraient pas manqué de le purger et de le saigner.

MOL. (l'Amour méd.) Dict. Littré.

17. Idiotismes :

(Archaïque) Avoir affaire de : avoir besoin de.

Vous n'avez pas trop affaire de ce détail.

Sévigné. Dict. Littré.

Le mohatra est quand un homme qui a affaire de vingt pistoles, achète d'un marchand des étoffes pour trente pistoles, payables dans un an, et les lui revend à l'heure même pour vingt pistoles comptant.

Blaise PASCAL (Provinciales, 1656) Dict. Littré.

Il avait bien affaire de s'aller.

Antoine Hamilton (Grammont, 1715) Dict. Littré.

Faire affaire d'une chose : en répondre, savoir en profiter. Littré.

Quelle ne sera pas la lenteur des progrès de la sagesse dont si peu d'hommes se font une affaire ?

DIDER. (Essai sur Claude.) Littré.

ESTEFALU - TOUS DROITS RÉSÉRVÉS

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